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André Frédérique (1915–1957) a oa ur skrivagner hag ur barzh gall, teñval e vousfent ha dic'hoanag e skridoù droch.

Histoires blanches (1945)[kemmañ]

  • Il y a de la profondeur cachée dans mon langage. Je parle ne sachant ce que je vais dire et les mots s'assemblent en oracle.
  • Elle rougit si l'on parle de chaise, pour ce que l'on y pose. — « Pudeur »
  • J'ai du mérite à rester chez mon père, qui fait tout pour me contrarier. Je ne dors même plus dans le coffre à linge, on ne me concède que le cellier rempli de tessons. — « Le bon fils »
  • Parce que je m'étais trompé d'une minute dans mes calculs annonçant le passage de la grande comète, ma mère me prive de vin. Je suis très tenu à la maison. — « Rude école »
  • Au théâtre de marionnettes, ma famille danse au bout des fils. — « Tréteaux »
  • Mon père m'amène dans des réunions savantes pour me montrer. — « En visite »
  • Quand je veux plaire à une jeune fille, je lui sers mes petits pâtés de viande. Bien rare qu'au troisième elle ne cède, et cependant je n'ai pas fait une pâte feuilletée. — « Gastronomie »
  • Le gendarme se mit à penser. — « Bucolique »
  • L'archevêque était jaloux du curé. Le curé avait une bicyclette. — « Cyclisme »
  • Comme il venait d'être élu pape, une grande fierté l' envahit. Il oublia ses amis du petit café : les joueurs de manille, les joueurs de boules, les garçons et même la fille à l'ombrelle. — « Honneurs »
  • Sous l'armure qu'ils m'ont donnée, où les beaux-parents ont-ils caché l'épouse ? Toujours chercher. — « Intimité»
  • Mon espace prend au temps cette lenteur des époques grises, qui fait ma vie comme un sel, un givre. — « Tête à tête »
  • Ombre ou étoile, de nous monte un soleil éloigné. Un soleil pour aveugle. Encore que je désespère d'y cueillir un silence pour l'offrir à la paix de nos désordres. Tant elle s'éloigne elle aussi sur son banc de désespoir. Et les pauvres objets qui flottent autour de nous, qui m'envahissent. Il n'y a plus que la chambre à sentir la mort. — « Tête à tête »
  • Dans mon armée, je veux un général qui en impose. Sans cela, tout de suite c'est la pagaïe. Des hommes qui disparaissent, des canons qui se tordent, des femmes dans les rangs. — « Stratégie »
  • Quoique mort, je n'ai pas perdu grand-chose d'autrefois : je pèse moins, je pense plus. — « Au-delà »
  • Le métro n'est pas l'endroit rêvé pour chanter des cantiques. Portant John et Michel ne s'en privent pas. Après, ils tendent la main, l'air triste, en creusant les joues. — « John et Michel »
  • Dans le noir, ce ne sont pas tant les baleines que les chats-huants qui mordent. — « John et Michel »
  • Le jeu de l'enterrement anticipé de grand-mère est formellement interdit. — « John et Michel »

Poèmes (1945–1957)[kemmañ]

L'UNE

La peau sombre des femmes sent l'aurore
et tout contre leur cœur
la tête à la lumière
on entend le monde qui bat

PRIÈRE

Le sein rond le sein nuage
le sein paysage
rend hommage
aux mains

L'INNOCENT

Vrai, père
ce n'est pas moi qui ai donné à mère
le poison destiné à grand-mère

LES JAMBES

Père est prudent
Il cache les cadrans
pour que les enfants
ne voient pas le temps
faire l'amour avec les pendules

Kloerdi sant Erwan, Roazhon

LE SÉMINARISTE

Je fus au séminaire au temps de mon enfance
On savait s'amuser en ce temps un peu vieux
On disait des paters on faisait pénitence
Le Dimanche on sortait pour aller voir les vieux

Devant un crucifix on disait des prières
Quand la tonsure est fraîche le cœur est tout joyeux
On mangeait du bouillon, on buvait de l'eau fraîche
Le Dimanche on sortait pour aller voir les vieux


Le vicaire général nous invitait souvent
À entendre sa mère chanter « Mamzelle Nitouche »
Tout en l'accompagnant sur son piano à vent
Il faisait le clairon, c'est dur, avec la bouche

On était un peu diable au soir du réveillon
Et l'on se permettait de parler dans les douches,
On avait droit au vin – coupé d'eau – et au thon
On faisait le clairon, c'est dur, avec la bouche.

Levrlennadur[kemmañ]

  • FRÉDÉRIQUE, André (1945) : Histoires blanches, Le cherche midi éditeur, 2003 (ISBN 978-2-7491-0083-8)
  • DAUBERCIES, Claude (1992) : André Frédérique ou l'art de la fugue, Le cherche midi éditeur, 2005 (ISBN 978-2-86274-258-8)